89 : reproduction, dispersion

Je vous contais il y a quelques jours l'amusante histoire des deux canes-mères : ce n'était rien à côté de ce qui suit. Être présent lors d'événements rares est une expérience formidable, pas toujours tragique heureusement, rappelez-vous l'histoire de Bambi !!!

Une semaine après la transhumance palmipède, alors que je déambulais dans le potager, regardant pousser avec amour et gourmandise quelques hypothétiques futures tomates dont les plants étaient chaudement caressés par le soleil matinal, mon attention fut attirée par une série de bruits très curieux.
Des sortes de glougloutements dont je n'arrivais pas à situer spatialement l'origine : quand je regardais à gauche, ils semblaient venir de la droite, quand je regardais par terre, ils semblaient venir des arbres et quand je regardais les arbres, je croyais les entendre derrière moi, parfois très proches, parfois lointains, en tout cas se déplaçant vivement.

Ça a duré un bon moment et j'étais de plus en plus perplexe jusqu'à ce que je commence à constater certaines fugaces reptations dans le paillis des tomates, certaines agitations des feuilles de courge, certaines ondulations des tiges de menthe et de sauge, certaines oscillations des fleurs de tagètes alors qu'il n'y avait pas un souffle de vent.

C'est alors qu'à mes yeux ébahis, pratiquement entre mes pieds surgit de terre une petite tête, puis en un éclair, une petite bestiole rousse fila et disparu sous les feuilles.
J'eus à peine le temps de penser qu'il devait s'agir d'un mulot ou d'un campagnol que je vis surgir du même minuscule trou une autre tête, puis une autre, et encore une et je fus en un instant entouré d'une quantité incroyable de ... belettes qui fusaient en tout sens dans une grande excitation, émettant une intarissable logorrhée glouglouteuse d'une vitalité digne du marché de Brive la Gaillarde !


Quelles jolies bestioles, couleur fauve et plastron blanc immaculé, petits yeux noirs et vifs, grandes oreilles qui doivent leur permettre d'entendre à distance le moindre frémissement de leurs futures proies.


Comme elles semblaient rester dans le coin, je filais en douce prévenir Cath et Clo pour qu'elles profitent du spectacle et saisir mon appareil photo. A mon retour elles étaient toujours là, entrant et sortant de leur terrier, toujours aussi agitées. Les prendre en photos n'était pas facile tant elles étaient rapides !
Et puis brusquement, comme sur un signal, elles se turent, se dispersèrent, s'égaillèrent individuellement aux quatre coins du jardin et disparurent dans la nature ... On ne les revit plus.


Il faut maintenant marquer une pause ... pour l'éducation des petits et des grands.

La belette a une mauvaise réputation.
Elle est accusée depuis longtemps d'être une bête sauvage assoiffée de sang, un "nuisible" n'hésitant pas à s'attaquer à bien plus gros qu'elle, dévastant poulaillers et clapiers, suçant le sang de ses victimes qu'elle laisse agoniser, exsangues et pantelantes ... on l'aurait même accusée de saigner des bébés !
Ce ne serait que d'incultes ragots sans importance si le nombre de belettes ou d'hermines (ses cousines germaines), massacrées sans pitié et sans raison défendable ne dépassait l'entendement !
Leurs victimes sont presque exclusivement les petits rongeurs, parfois les reptiles et les oiseaux malades ou affaiblis, c'est à dire exactement les mêmes proies que celles de nos mignons petits chats que personne n'oserait traiter de nuisibles sanguinaires !

Comme le chat, la belette est l'amie de l'homme, mais une amie incomprise. Elle protège les cultures et les récoltes en régulant les populations de rongeurs affamés. Elle passe son temps à parcourir les galeries souterraines de ces animaux, éliminant aussi les taupes nouvelles-nées quand elles sont en surnombre, faisant même fuir les rats qu'elles attaquent rarement (ils sont trop gros) mais qui ne les aiment pas.
Jamais vous ne la verrez s'en prendre à la basse-cour et si, en période de disette, elle peut s'attaquer à quelques bébés lapinos dans leur terrier, cela reste exceptionnel.
Est-ce parce qu'elle n'a jamais pu être apprivoisée que l'homme, frustré de ne pouvoir se l'approprier, la calomnie autant ?

Quant à leur sortie du nid quelques semaines après leur naissance, elle n'a lieu qu'une fois puisque, après s'être dispersées, elles n'y remettrons jamais les pattes : comment avons nous pu assister par hasard à ce spectacle unique ? Il est probable que la décision de quitter le nid était prise depuis quelques jours mais que la date n'en était pas encore fixée : ma simple présence, pourtant discrète, a dû précipiter les événements.

Alors, si par chance vous en voyez une, n'ayez pas peur, laissez-la vivre, admirez-la, observez-la, vous verrez comme elle est belle, souple, vive et gracieuse, et surtout n'oubliez pas qu'elle est votre amie (youkaïdi) !

[lisez sans attendre le n°41 de "La Hulotte", le journal le plus lu dans les terriers !
http://www.lahulotte.fr/]


6 commentaires:

Anonyme a dit…

Après tant d'années de frustrations de n'avoir pas été là le jour du sauvetage de Bambi, je peux enfin m'enorgueillir d'avoir fait partie des « happy few » qui virent les bébé-belettes :)
Qu'est-ce qu'elles étaient mignonnes !
Avec un peu de chance, d'ici quelques années (ou mois ?), l'une d'entre elles viendra mettre bas à proximité de nos yeux curieux ?

Anonyme a dit…

La bestiole que certains énergumènes promènent en laisse dans les rues, ce n'est pas une belette? Et celle qui avait coursé Paul sur la plage, c'était quoi? J'ai gagné le concours des oiseaux l'autre jour mais je suis plutôt nulle en félin-rongeur...

En tout cas, ça fait plaisir de voir que l'écosystème de St Éloi se porte aussi bien! J'irai bien vérifier ça de mes propres yeux autour d'une daurade grillée !!

roch a dit…

Clo => je ne sais pas si les filles belettes accouchent dans la même maternité que leur maman ;-)

Ju => Il me semble que dans les rues, on voit parfois des gens avec des rats sur l'épaule, des chihuahuas dans les bras, ou des pitbulls en laisse, mais des belettes ça m'étonne.
Quand à la bestiole qui a failli saigner Polo, c'était une mangouste, c'est plus gros !
Et pour saigner la daurade, c'est quand tu veux !!!

Anonyme a dit…

C'est la fable : "les canes, la belette et le petit bambi" sauf que c'st vrai. Je n'avais rien dit à ton père, puisque tu craignais un carnage. Il va être étonné en te lisant. t

Anonyme a dit…

Comment aurai t on pu faire des fourrures avec un animal "gentil" ? Donc sa réputation permettait son élimination... !
je ne discute pas des prérogatives de la justice au sujet de sa cousine, l'hermine .
Que certains se remémorent la peau de belette de Casse Caillou et les traitements de tannerie qui lui furent appliqués..

Anonyme a dit…

Je veux bien croire ton commentaire écolo-tendance, version Hulotte, car je ne connais pas bien la belette, mais son cousin germain le furet est un redoutable chasseur utilisé en particulier pour débusquer les lapins.
Ses autres cousins, la marte et le loir adorent bouffer les durites et les câbles électriques des bagnoles.
La fouine, elle, bouffe les écureuils dans les arbres, car elle grimpe plus vite !...
Je n'aurais pas massacré ces bestioles, sachant qu'elles croquent les vipères et éventuellement les jeunes taupes.
Que sont devenues nos grenouilles
et ton crapaud-sonneur ?