6 : spectralisme et minimalisme

Un soir, après le traditionnel saucisson-bière-café-cigare au Biclown, bistrot parigot en face du prétentieux Café de la Musique (que St Coste me pardonne ...) ; trois œuvres données à la Cité de la Musique:

1- "Légendes urbaines" création mondiale de Tristan Murail, compositeur français de 59 ans : musique assez séduisante, typique de Murail.
Ces "Légendes" plutôt expressionnistes évoquent par moment la musique "d'avant garde" des années 20, on pense à Varèse, parfois à Honneger.
Un peu décevant par rapport à la production habituelle de cet auteur : le dernier mouvement style "résumé des mouvements précédents" rallonge inutilement l'œuvre ; la spatialisation de l'orchestre (plusieurs groupes instrumentaux dispersés dans la salle) est très peu exploitée et ne paraît pas indispensable. Il reste cependant de très beaux moments notamment des pizzicati aux claviers (vibraphones, piano et percussions cristallines), en évocation d'une rivière gelée.

[pays de givre © catherine]

Murail est le plus accessible des compositeurs de la mouvance "spectrale" née en France dans les 70', sous-groupe de la catégorie "post-moderne" ce qui ne veut strictement rien dire (... sinon le besoin d'étiquettes simplistes dans les bacs des médiathèques).
Le spectralisme regroupe quelques auteurs remarquables notamment l'immense Gérard Grisey.
Musique difficile, d'une extrème richesse de timbres, donc très exigeante sur le plan de la transmission et de l'écoute (le MP3 n'est pas pour elle, le CD tout juste !)
Pour connaître Murail, écoutez "La barque mystique" pour petit ensemble, ou "Attracteur étrange" belle pièce pour violoncelle.

2- "Concerto pour clarinette" d'Eliott Carter, compositeur américain de ... 98 ans.
Pièce des années 80 parfaitement écrite, tout à fait cohérente, avec une grande virtuosité demandée au soliste. Mais qui m'a laissé complètement indifférent.
Pourtant Eliott Carter, c'est bien : il a fait plein d'œuvres intéressantes tout en restant discret.
C'est bien aussi la clarinette (écoutez "Dialogue de l'ombre double" de Boulez et "Quatuor pour la fin du temps" de Messiaen ou, si ça vous fait trop peur, le "Quintet pour clarinette" de Brahms qui vous met du chaud partout).
Alors qu'est-ce qui ne va pas ? La forme classique du "concerto" serait-elle devenue complètement désuète ?

3- "City life" de Steve Reich.
Ce compositeur américain né en 1936 est l'un des grands représentants d'un courant musical très spécifique : celui de la musique "répétitive" américaine (encore une étiquette !). On la qualifie aussi de "minimaliste" mais certains minimalistes n'ont rien de répétitifs et beaucoup de répétitifs sont tout sauf minimalistes (... vous me suivez ?).
Comme avec toutes les œuvres de ces auteurs, on est d'abord très (voire très très) agacé, puis, petit à petit (si on a tenu bon les 10 premières mn !) on se laisse envoûter par cette rythmique complexe qui pourrait durer une éternité. Enfin on est fasciné par les changements de rythmes brutaux ou à peine perceptibles et/ou les subtiles modifications de timbre ou de hauteur.
Dommage que dans cette œuvre certains passages jouent un peu la pute ...
Ces musiciens ont écrit de très grands opéras ancrés dans l'actualité : "Einstein on the beach" de Glass, "Nixon in China" ou "The death of Klinghoffer" d'Adams.
Mais cette musique n'est sûrement pas le meilleur choix pour une approche sereine de la musique contemporaine !

(ces impressions strictement personnelles
n'ont aucune prétention musicologique !!!
Il en sera de même pour toutes mes c'roch'niques musicales,
tenez-vous le pour dit !)

16 commentaires:

Anonyme a dit…

J't'en donnerais du "spectral", du "post-moderne" ou du "répétitif", moi. Tout ça, c'est jamais que des portes qui grincent :)

Un bon point cependant, c'est moins "agaçant" que le clavecin. Un jour, peut-être, j'arriverai à comprendre tes drôles de goûts musicaux!

roch a dit…

Le problème avec le clavecin, plus qu'avec d'autres instruments, c'est qu'il en existe dont la sonorité est somptueuse (voir Rameau par Scott Ross ou Couperin par Christophe Rousset), d'autre qui sont de vraies casseroles !
Mais je reconnais que c'est un instrument assez austère !

Anonyme a dit…

Je proteste la casserole n'est pas un instrument austère quand on songe à tout ce qu'on peut y faire mijoter!! non je rigole pour faire oublier que dans ce débat hyper intello je ne suis pas à mon aise !Mais quand je suis au concert (notament à la cité de la musique mais pas seulement) je me fous du spectralisme et du serialisme car je n'y comprend rien mais je suis heureuse d'entendre ce que j'entends. Bien sûr la fréquentation assidue (du sandwich saucisson bière) des concerts m'a permis d'aimer cette musique et je pense que l'on ne peut apprécier la musique complètement (quelque soit son style ) sans l'avoir vue se faire sous ses yeux .Bon la prochaine fois nous aborderons l'épineux problème du beau on y revient toujours finalement!!

Anonyme a dit…

Brr... quelle culture, j'en reste complètement éblouie... de toutes façon la musique moderne, sérielle et autre, j'ai du mal. N'oublions pas mn âge.

Anonyme a dit…

culture ... culture ... c'est comme la confiture, moins on en a etcetera !
C'est pas intello c'est juste l'envie de parler
1/de ce qui me plait (= que j'aime)
2/de ce qui me plait (= de ce que je veux !!!)
Et ce qui me plait aussi c'est d'avoir des réactions de mes lecteurs !!!

Anonyme a dit…

"aimez-vous Brahms?"
OUI !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!

roch a dit…

aahh, Brahms, c'est toute une forêt d'automne : des couleurs, des odeurs, un feu de bois ... on ne s'en lasse pas ! et Schumann : beau comme un paysage de glace ! et Schubert : une douce campagne en fin d'après midi !

Anonyme a dit…

Roch a dit "Dommage que dans cette œuvre certains passages jouent un peu la pute"

???

Je soupçonne tes lecteurs de ne pas avoir été jusqu'au bout de ton texte, car personne n'a réagi à cette phrase saugrenue, un pavé dans la mare de ton texte serein.

Qu'est-ce que tu veux dire par là?

Moi ça me manque d'aller au concert avec vous, même si ce n'était pas souvent. Et pas que pour la bière-jambon-beurre!!

A Toulouse, visiblement, la spécialité est la musique ancienne. Dites moi si vous voulez que je réserve qqch pour votre venue en Avril. Dans le cloître des Jacobins par exemple. Je vais me renseigner sur la programmation!!

Et vive les blogs musicaux!!

Ju

Anonyme a dit…

je vais m'amuser à risquer une explication de "jouer la pute".J'imagine que roch veut dire (mais je peux me tromper) que le compositeur fait de la musique "facile" et donc pute =femme facile donc femme régulière=femme pas facile =femme pas commode(je pourrais pour rire un peu dire: femme pas commode=femme secrétaire mais ça serait aller un peu loin dans l'argumentaire!)enfin laissons la place au maître de céans!!

Anonyme a dit…

et ben moi qui craignait que ce genre de chronique ne déclenche pas de commentaires !
Jouer la pute : couche de maquillage, sourire colgate, jupe fendue et tout l'toutim ... quand on n'a pas d'autres moyens pour essayer de séduire.
Transposez pour la musique !
-> Ju : j'attends le programme !

Anonyme a dit…

Ju > oh l'aut' éh, bien sûr qu'on est allés jusqu'au bout du texte!

Cela dit j'avais compris ce "jouer la pute" autrement que ne l'explique Papa.

Chez moi, "jouer la pute", c'est exacerber le désir de quelqu'un et au final, ne pas le satisfaire.

Ça me semblait pas hors propos, étant donné que parfois, en musique, je ressens ça : une montée en puissance qui, au final, n'aboutit à rien... ou en tous cas à rien de ce que j'aurais imaginé. J'en sors frustrée, et c'est sans doute pour ça que j'ai tant de mal avec la musique contemporaine!

Anonyme a dit…

=> pour Noële :
l'âge n'a rien à voir avec la musique !
Si tu savais le nombre de "vieux" et même de "très vieux" qui vont aux concerts de musique contemporaine, tu serais étonnée.
Boulez est né en 1925 : il n'est plus très jeune ...

Anonyme a dit…

=> à tous :
j'ai plusieurs c'roch'notes en réserve sur la musique au sens large que je publierai petit à petit. Si j'arrive à éveiller votre intérêt (même sans vous convaincre), ce blog n'aura pas été inutile !

Anonyme a dit…

J'aime la musique, mais pas les concerts...
Trop "collectivistes".
J'aime la musique, mais pas toute...
Peu importe l'époque, l'école, le genre.
Il n'y a que deux sortes de musique : celle qui me laisse indifférent ou m'agace et celle qui me fait vibrer comme une corde de piano.
Mozart et Boulez ne m'ont jamais fait vibrer...
Affaire de goût ou plûtot de tempérament, ou... d'hormones !
Wagner, Stravinsky, les coeurs russes, ou le flamenco, oui !

Anonyme a dit…

La musique enregistrée est au concert ce que la viande en conserve est à la viande fraîche ... ça manque de saveur, c'est toujours identique, il manque le cœur et la tripe de l'interprétation vivante avec ses défauts et ses qualités, son humanité, donc.
Et il manque aussi la qualité du timbre et la dynamique spatiale du son que la meilleure installation hifi ne peut rendre.

Anonyme a dit…

mais c'est là que l'exercice est complexe ..car il faut comprendre la musique avec son voisin qui tousse et vous agace, avec cette altiste belle comme un cœur et qui joue sublimement, sans parler de ce retard qui fait qu'on y est pas encore et qu'on ratera toute émotion...