74 : forêt d'automne

(essai d'introduction à la musique contemporaine pour les nuls par le professeur Simplet, 3ème et dernière partie) [revoir la 1ère] [revoir la 2ème]

Plus encore que le rythme dont j'ai parlé la dernière fois, c'est le timbre qui s'est diversifié à l'extrème au cours du dernier siècle :

- par l'apport d'autres instruments, qu'ils soient africains ou orientaux (notamment dans le vaste champ des percussions), populaires (accordéon, harmonica, ...) ou popularisés par le jazz (saxophones, vibraphones ...)

- par le perfectionnement continu de la facture instrumentale (tel le piano dont les progrès ont été ininterrompus depuis deux siècles à tel point qu'il est impossible de jouer de nombreuses œuvres actuelles sur des pianos un peu anciens ; tels beaucoup d'instruments à vent qui ont vu leur virtuosité s'améliorer grandement)

- par une évolution des techniques de jeu (cordes de piano frappées ou pincées, cordes frottées avec le bois de l'archet, mise en résonance d'instruments ou de notes non joués ...)

- par l'invention de nouveaux instruments (ondes Martenot, synthétiseurs ...)

- par l'utilisation d'objets a priori étrangers à la musique (papier, eau, pierre ...)

- par l'évolution de la technologie (bandes magnétiques, électronique, informatique ...)

Mais aussi, et c'est le plus intéressant à mon avis, par des combinaisons nouvelles des instruments classiques qui permettent de produire de nouveaux sons : faites jouer la même note en même temps par un trombone, un violoncelle et un vibraphone en faisant éclater simultanément le choc de deux morceaux de bois donnera un son "inouï", ou aucun des instruments joué ne sera reconnu comme tel.
Et le même son, la même note, peut évidemment, en passant d'un instrument à l'autre, voir son timbre, sa couleur, sa texture, se modifier profondément en quelques secondes.

En faisant ainsi varier combinaison, intensité, timbre et rythme des instruments, on obtient une palette de sons sinon infinie, du moins bien plus vaste que la palette traditionnelle.

Enfin deux nouvelles dimensions (pourtant déjà présentes en germes dès la Renaissance, en Italie notamment) se sont développées au point de prendre une très grande importance dans la deuxième moitié du XX°siècle : l'espace (position des instrumentistes sur la scène ou dans la salle) et le mouvement (déplacement spatial du son d'un groupe instrumentiste à un autre).
"Timbres, espace, mouvement" est une œuvre de Dutilleux !
On comprend pourquoi, malheureusement, on ne peut jouir pleinement de cette musique qu'au concert ... mais c'est le cas de toutes les musiques, non ?

Ces changements ont amené cette nouvelle notion de "masse sonore" qui est peut-être la caractéristique essentielle de cette nouvelle musique : cette masse se développe, se déplace et se transforme dans l'espace et le temps comme le feraient les feuilles colorées des arbres d'une forêt secouée par un vent ludique et changeant (non, non, je ne parle pas de la musique romantique !).

Autrement dit : la musique contemporaine, c'est beau comme une forêt d'automne ... enfin moi je trouve hein !

Et maintenant, retrouvez la magie du concert :

[fin de la série]