34 : d'une élisabeth à l'autre

Il nous arrive parfois d'écouter autre chose que de la musique contemporaine.
Par exemple notre dernier concert nous a plongé dans la musique baroque anglaise avec "Didon & Énée" de Henry Purcell. Livret sans intérêt, prétexte à une musique splendide comme toutes celles écrites par Purcell pendant sa courte vie (1658-1695). Le chœur était excellent mais les solistes et l'orchestre m'ayant un peu déçu, je ne m'étendrais pas sur ce concert.
Ben alors ... de quoi je vais parler ?
De l'interprétation de la musique baroque (et ancienne en général) qui a fait, fait et fera encore couler beaucoup d'encre ? Ce serait bien trop long !
De l'histoire de la musique anglaise dont l'évolution a été assez chaotique si on la compare au reste de la musique occidentale ? Pourquoi pas !

A la fin du XVI°s l'Angleterre a connu une période musicale extrêmement riche et féconde, connue sous le nom de musique élisabéthaine du nom de la reine Elisabeth Ier (1558-1603). C'est aussi l'époque de Shakespeare dont on oublie qu'il collaborait avec de nombreux musiciens : ses pièces de théâtre (dont j'avoue, à ma grande honte, n'en avoir pas lu une seule...) étaient parsemées d'intermèdes musicaux et de musiques de scènes (les "Masks").
Parmi les très nombreux compositeurs de cette période, deux se distinguent particulièrement : William Byrd et John Dowland dont certains "Ayres" sont encore chantés de nos jours par des musiciens "pop" (tout comme Purcell d'ailleurs) !

[Elisabeth I]

Il y aura ensuite une longue période de néant musical, conséquence funeste du puritanisme de Cromwell qui n'hésitait pas, en réaction à la richesse de la période précédente, à détruire partitions et instruments de musique (il ne fût pas le seul au cours des siècles...)
Purcell, né l'année de la mort de Cromwell, fera revivre les fastes de la musique de son pays, avec quelques autres dont John Blow, qui était son aîné et son maître.
Blow ayant survécu à son brillant élève écrira l'une des plus belles œuvres que je connaisse : "Ode for the Death of M. Henry Purcell".

Pourquoi la musique anglaise de cette époque me fait-elle souvent penser à "Meurtre dans un jardin anglais", ce film sophistiqué et pervers de Peter Greenaway ? So English may be ! ...

L'Angleterre aurait pu connaître un nouveau désert musical jusqu'à la fin du XIX°s si le compositeur allemand George Friedrich Haendel (né la même année que Bach en 1685 et 2 ans après Rameau : sainte trinité !) n'avait pas décidé à l'âge de 27 ans de s'installer à Londres et de prendre la nationalité anglaise. Il avait déjà travaillé en Allemagne et en Italie : à l'époque, et même bien antérieurement, l'Europe culturelle était déjà une réalité quotidienne.
La production musicale de Haendel est considérable, notamment dans le domaine de l'oratorio et de l'opéra et il est certain que son génie a complètement occulté ses contemporains et successeurs britanniques.
Paradoxalement, nombreux furent les musiciens européens qui passèrent quelques années à Londres et y composèrent (Haydn et Mozart pour n'en citer que deux à la fin du XVIII°s). Cela confirme que les anglais ont toujours été musiciens dans l'âme, au moins en ce qui concerne la pratique qui est restée jusqu'à nos jours extrêmement populaire dans toutes les couches de la société.

Ce n'est qu'une centaine d'années après la mort de Haendel que la musique anglaise se réveille à nouveau, sous les faveurs de la reine Victoria.
Edward Elgar est le compositeur le plus représentatif de cette époque, créateur d'une "musique anglaise" presque caricaturale ("Pomp and Circonstances" est le titre d'une de ses œuvres les plus célèbres) encore jouée quotidiennement outre-manche, notamment lors des fameux "Proms", concert-promenades si populaires.

La musique anglaise est encore très vivante au XX°s oscillant entre le "passéisme" d'un Vaughan Williams (1872-1958) et le "modernisme" de Benjamin Britten (1905-1976), sans conteste le plus grand compositeur anglais depuis Haendel, lui aussi auteur prolifique de nombreux opéras et oratorio aux livrets particulièrement bouleversants (ce qui n'a pas été le cas de son illustre ancêtre), et du requiem le plus désespéré qui ait jamais été écrit (le "War Requiem").

On ne peut évidemment pas ne pas parler de la musique "pop", dont l'Angleterre a été le principal terreau dans les années 60, véritable révolution sur la façon de faire de la musique, de l'écouter (seul avec son baladeur ou lors de monstrueux concerts rassemblant plusieurs dizaines de milliers de personnes), mais aussi révolution de société sur la façon de vivre, de travailler, de penser etc ... même si cette révolution repose sur une écriture on ne peut plus réactionnaire de la musique !!

De nos jours la musique anglaise "savante" est bien vivante, représentée entre autres par Jonathan Harvey, Brian Ferneyhough et Georges Benjamin.
Parlera-t'on dans quelques siècles de "musique élisabéthaine 2" ?

[Elisabeth II]

2 commentaires:

Anonyme a dit…

A défaut de pouvoir faire le même exposé sur la musique dubaiote de la fin du 14e siècle (y en a -t-il seulement une?), je savoure d'autant plus les propos de c'roch'notes, que chaque retour en France est synonyme de passage au rayon musique classique de quelque magasin parisien. Ce blog devient donc une mine d'or pour qui veut diversifier sa discothèque et sortir de ses sentiers battus ... il ne manque que l'avis d'expert sur les différentes interprétations et notre bonheur sera complet. Vivement le prochain concert !

Anonyme a dit…

il y a certainement eu une musique dubaïote au 14ème siècle : la musique est comme le rire, le propre de l'homme ...
quant aux conseils sur les différentes interprétations, je ne suis pas expert mais on peut en causer quand tu veux !