79 : haïkaï et sepukku

Il me semble que beaucoup de temps a passé depuis mon dernier compte-rendu de concert ... Je suis sûr que ça vous manque !
Le programme était réalisé par Pierre-Laurent Aimard, formidable pianiste, élève de Messiaen, collaborateur et grand interprète de Ligeti, doublé d'un excellent pédagogue (nous avons assisté à plusieurs de ses concert où les explications qu'il nous donnait étaient toujours d'un grand intérêt).
Mais hier soir il n'a joué que dans la dernière pièce et n'a pas pris la parole ...

Charles Ives, né en 1874, est un des grands compositeurs américains du siècle dernier, dont je ne connaissais rien (avec même peut-être un certain a priori négatif).
"The Unanswered question" est une pièce assez curieuse. Un quatuor à corde tout ce qu'il y a de classique est placé dans un coin de la scène et joue un fond musical continu très doux et très lent. De temps en temps, un quatuor d'instruments à vent (deux flûtes, deux hautbois) disposé sur le côté et en haut des gradins intervient de façon assez abrupte sinon violente, avec de courts thèmes plutôt burlesque. Et à intervalles réguliers, c'est une trompette bouchée, invisible dans le lointain, d'une tonalité mélancolique, qui se fait entendre.
Cette pièce est d'une surprenante brièveté puisqu'elle ne dure que six minutes : c'est peut-être ce qui en fait toute la saveur (ne voyez pas dans cette remarque un quelconque second degré !) : c'est tout ? Oui, c'est tout, mais c'est comme déguster un carré de chocolat au piment d'Espelette !

György Kurtág, au contraire, ne m'est plus inconnu depuis un bout de temps.
"Scènes d'un roman" est une pièce pour soprano écrite sur des poèmes de Rimma Dalos. La chanteuse n'est accompagnée que d'une contrebasse, d'un violon et d'un célesta. Cette musique est aussi prenante que "Messages de feu demoiselle Troussova" écouté l'année dernière (voir crochnote 33). La soprano Maria Husman avait un peu moins de présence que Julia Henning mais défendait fort bien cette musique âpre aux accents folkloriques, faite de courts poèmes contant une histoire d'amour triste et passionnée

de la rencontre à la séparation,
des adieux à l'attente,

s'est écoulée ma vie de femme.


L'aversion que j'avais il y a encore quelques années pour la voix contemporaine se dissipe ces derniers temps. Je trouve toutes ces pièces vocales de plus en plus captivantes par leur côté charnel et rugueux, bien plus proches et humaines que les voix éthérées de la renaissance, maniérées du baroque ou anti naturelles du romantisme (ce qui n'enlève rien à leur qualités) ... Il y a beaucoup à découvrir dans ce domaine et j'ai encore du pain sur la planche !

Et ce sentiment a été incroyablement conforté par "... As I Am ..." création du japonais Dai Fujikura né en 1977. Cette œuvre a été écrite spécialement pour l'Ensemble Intercontemporain au complet et pour une mezzo-soprano soliste étonnante : Loré Lixenberg.
Sa voix, tantôt naturelle, tantôt "traitée" en temps réel passe des cris aux chuchotements, de la gouaille au lyrisme, des plaintes aux éclats, épuisant tous les registres de la voix humaine, mêlée de façon superbe à la riche et dynamique orchestration. La partition suit à la lettre l'esprit du texte qu'elle déclame et peut se résumer par la citation de Marlène Dietrich placée en exergue du livret :

la plupart des femmes font l'impossible pour changer un homme,
une fois changé, elles ne l'aiment plus


C'était emballant et m'a donné envie d'en savoir plus sur cet auteur !

Je passe sur "Three Inventions for Chamber Orchestra" de Georges Benjamin qui m'a beaucoup déçu en regard de ce que je connais de ce compositeur (voir crochnote 55) ...

... pour en arriver à une autre déception, attendue celle-là, puisque je l'avais déjà éprouvée lors d'un autre concert : les "Sept Haïkaï" de Messiaen.
Oui ! vous avez bien lu : déçu par Messiaen !!!

A la réécoute, j'ai essayé de comprendre cette déception.
Je suis peu sensible à la poésie en général et à la forme japonaise du haïkaï (ou haïku) en particulier qui me laisse complètement froid voire moqueur avec ses 3 vers et ses 5 mots.

tout d'un coup,
dans le ciel d'automne,
voici
le mont fuji
(Onitsura, 1661-1738)

Honte à moi ...
Mais il est vrai que la traduction française de ces poèmes ne doit avoir que peu de rapport avec l'original, aussi symbolique que graphique !

Comme leur nom l'indique, ces 7 pièces de Messiaen sont (relativement) courtes, et je pense que c'est ce qui ne me plaît pas. Je l'aime trop dans ses compositions orchestrales démesurées qui nous permettent d'entrer lentement dans son univers, de passer dans un autre monde, et de se laisser envoûter par sa richesse.

Ces 7 Haïkaï doivent être considérés par les vrais connaisseurs comme la quintessence de son art ... je n'en suis pas encore là mais ne vais pas pour autant me faire sepukku !



3 commentaires:

Anonyme a dit…

sepuk'ce que c'était?

Anonyme a dit…

attention Papa, tu vas bientôt me battre au concours du moins de mises à jour possibles !

roch a dit…

un peu de repos pour mon neurone, clo !
et tu sais bien toi-même que le deficit de commentaires n'est pas très motivant !!!