50 : sacrée odile !

Dans la pièce du grenier que M. Léon a entrepris depuis quelques mois ou années, on ne sait plus, de rénover avec courage, patience et détermination, masquées depuis des décennies par de grandes étagères jusque-là débordantes de vieilleries en tous genres et de toutes époques genre petits bronzes patinés par la crasse, baïonnettes de poilus rouillées, sagaies africaines élancées, cuivres marocains vert-de-grisés, besaces et gibecières de cuir déshydraté, matériels photographiques préhistoriques, lampes de métal ou de plastique plus kitsch tu meurs, bols duralex ternis, statuettes et grigris sub-sahariens, boîtes à chapeau en carton moisi, sabres d'escrime tordus, cannes à pêches en bambou mitées, lettres rongées enrubannées vieux-rose, assiettes roses de Nisou-Rose, raquettes de tennis antédiluviennes, tapis roulés raides de poussière, cafetières cabossées, baises-en-ville en skaï et leurs flacons de verre, vases à fleurs et vases de nuit entartrés, stores métalliques démantibulés, soupières ébréchées, makhilas authentiques, coffrets à bijoux (vides), nécessaires à ongles, boîtes à couture, enveloppes de timbres, fers à friser, cadres à tapisserie, échantillons publicitaires, brocs à eau, piolets, pierres lithographiques, sacs à voile, brûles-parfum, tires-bottes, pots de confiture (vides), cartons d'emballage d'électroménager, lots de cartes postales, croûtes en cadres, lambeaux de rideaux, fragments de jute, restes de moquette, vestiges de tissus, résidus de bougies, rames et pagaies, embauchoirs, chisteras, distributeur à alcool en verre gravé et métal doré d'un goût si exquis que même le récupérateur n'en voudrait pas, et toute cette sorte de choses, on peut découvrir, sur l'enduit de plâtre recouvrant un conduit de cheminée en briques, des inscriptions qui, si l'on croit à leur authenticité mais pourquoi non, dateraient de la deuxième moitié du XIX ème siècle.

Voici des images de quelques uns de ces gypsographes :
(rappel : cliquez sur les photos pour les voir en grand)

[vue d'ensemble du panneau]


["Sauveur", "Sauvert" ou "Javert" (?)]



["Charlot de Milly 1864"]



["Letellier Emile 1864"]



["Narcisse"]



["Sourceau (?) à Chantambre 1864" - "Boucheny"(?) - "Edouard"]



["Louis a et cri sa le 19 octob en passant ... (?)"]



["1853" - "185"]



["Morteau" ou "marteau"]



["Edouard", encore]



[ décompte et additions ?]



["Odile" et à nouveau "Narcisse" (rayé?)]


Quelques commentaires :

On constate l'excellente qualité de cet enduit qui, datant au moins de 1853, a résisté pendant plus d'un siècle et demi à la chaleur de four qui règne sous les tuiles en été, au froid de l'hiver, et surtout à l'humidité qui imprègne cette vallée.

On retrouve les noms de quelques villages des environs : Milly, Chantambre, Morteau peut-être.

On pense que les signataires ne peuvent être les maçons de 1853 (?) puisqu'on retrouve à plusieurs reprises la date de 1864.

On imagine donc qu'ils ont dû être gravés par des gens de passage.

On est conforté dans cette hypothèse par le graffiti du dénommé Louis, le seul a avoir écrit une phrase complète ce qui, entre parenthèse, témoigne d'un minimum d'instruction malgré une orthographe strictement phonétique.

On se demande ce qui s'est passé cette année-là (1864) pour que cette pièce cul-de-sac située au fin fond d'un si vaste grenier reçoive autant de visiteurs.

On n'ose croire qu'il y ait un rapport avec la présence d'Odile dans ce grenier ... seule au milieu de tous ces hommes ... mais ce décompte et ces additions mystérieuses nous questionnent quelque peu ...

13 commentaires:

Anonyme a dit…

Inès, si elle en a le temps, entre ses charges professorales, grand maternelles et autres pourrait nous raconter ce qu'il se passait en Essonne dans ces années là et construire un roman historico fictionnesque !! J'espère que cette découverte majeure n'interrompera pas les travaux du père Léon!! Va falloir une chambre pour Irène!!

Anonyme a dit…

génial!!
1864: IId Empire. Pour moi, le château (actuel) de Bonnevaux doit dater de cette période, et Saint-Éloi (actuel) devait être pavillon de chasse+corps de ferme hébergeant au temps des semailles et des moissons des ouvriers agricoles du coin (sauf que octobre n'est pas vraiment la saison, alors disons ramasseurs de pommes et bouilleurs de cru)... et quand Odile leur servait un coup à boire, (et seulement à boire) il notait les verres bus...etc, etc
a propos quand est-ce qu'on va picoler ensemble??

Anonyme a dit…

Papa, c'est un club des 5 à lui tout seul, il résout à la vitesse grand V. tous les mystères de Saint Éloi !
J'adore, vivement le prochain épisode !

roch a dit…

-> Inès : il me semblait que le château de Bonnevaux était celui de Larrey, médecin du premier empire . Celui-ci étant mort dans les années 1840, les dates gravées seraient bien postérieures aux années de construction du chateau.
Les buno-bonnevaliens (?) ont-ils des renseignements plus précis à nous donner ?
Savez-vous qu'il existe un autre chateau de Bonnevaux dans l'Isère ?

Anonyme a dit…

pour ma part, je croyais que ce Larrey était le dentiste d'Eugénie de Montijo, épouse de Napoléon III: quel suspense! quelle énigme!

Anonyme a dit…

c'est moi, l'anonyme au dentiste!

Anonyme a dit…

qulques précisions de l'aieule : on dit bunovalliens, Morteau était un peintre (en bâtiment) pour lequel j'avais un faible, il avait ou a de très beaux yeux bleus, que vient faire Narcisse, le basset dans cette galère Une autre préicion très importante le château de bonnevaux aurait été rebâti par le chirurgien Trousseau. (Armand - 1801-1867) Bravo au découvreur de ces trouvailles.

roch a dit…

l'aïeule bunovallienne -> Trousseau serait plus en rapport que Larrey avec les dates. Quant au Morteau dont tu parles, s'il a travaillé à St Eloi et qu'il est l'auteur de ce grafiti, toutes mes hypothèses sont remises en cause : l'enduit est alors beaucoup plus récent et les dates sont des faux ... ou ne sont pas des dates !!!

Anonyme a dit…

personne ne te l'a encore dit alors j'en profite : bravo pour ton inventaire à la Prévert, que j'ai lu avec délectation (et non en passant vite comme parfois ça arrive dans les phrases trop descriptives). A quand ton recueil de nouvelles?

Sinon, autre sujet de débat à soulever : qu'allez-vous faire de ces inscriptions mises à nues? Les poncer, les mettre sous verre, ou les laisser se patiner avec le temps?

Moi je propose qu'on grave nos noms à notre tour

Voilà, à tout de suite pour la Moussaka, et vive la communication!

Ju

Anonyme a dit…

J'ai cru crever de rire en lisant ton inventaire de cette pièce fourre-tout de TOUTE la famille ?
Rien n'y manque et pourtant...
- Tous les paniers rotatifs de mes anciennes diapos.
- quelques bas-reliefs egyptiens de la calchographie du Louvre.
- Un piano-forte a moitié démonté.
- Un tournoi de chevalerie "télécommandé" par des ficelles.
- Un authentique casque colonial.
- Des malles remplies de vielles fringues.
- Quelques bois de lits et restes de meubles.
- Des dizaines de cartons retraçant l'épopée Mac de la famille.
- et surtout... le raton laveur !
Mais où est-il, celui-là ???
Je n'avais jamais remarqué ces graphitis...
tes photos sont formidables, comme d'habitude !

roch a dit…

=> Fromage grec (kephalotiki: fromage de tête ou tête de fromage ?)
Rien d'inventé dans mon inventaire, tout est authentique même si incomplet !
Quant au devenir de ces grafiti, plus anecdotiques qu'historiques, je pense qu'ils vont disparaître dans la rénovation (comment les conserver sans les abîmer ?) et c'est pourquoi je les ai photographiés.

Anonyme a dit…

L'hypothèe suivant laquelle des ouvriers travaillant à la restauration du chäteau de Bonnevaux auraient été logés dans cette ferme, plus ancienne, est vraisemblable, selon les dates relevées sur les grafitis.
Selon les Annales de la Société historique et archéologique du Gâtinais (t.III.1885):
"...on voyait au XVIII ème siècle, à l'est de Bonnevaux, les ruines de l'ancien château seigneurial de LAMOTHE, dont un seigneur est inhumé dans l'église de Bonnevaux.
Ces ruines auraient été utilisées pour le construction du château actuel, sans doute par M. d'Averton.
Il fut acheté par le docteur TROUSSEAU, célèbre médecin, qui le fit restaurer de 1855 à 1860.

Anonyme a dit…

de nouveau l'aieule. à ma connaissance mon Morteau n'a jamais rien eu à faire chez M. Léon, à moins qu'il n'y ait rejoint Odile? On peut aussi imaginer qu'odile servait des tranches de morteau '(saucisses) avec les verres de vin suggérés par notre historienne. Tout se résume en cette énigme : Qui est Odile"?....à suivre, notre imagination se débride !