49 : j'aime pas la montagne

Ô quelle belle balade ça va être : soleil franc et atmosphère fraîche, c'est d'un pas matinal, alerte et léger que nous partons tous les trois, accompagnés comme il se doit par quelques milliers de mouches, mais, que voulez vous, à la montagne j'attire les mouches. Donc j'aime pas la montagne.


Et nous voilà grimpant sur une piste traversant quelques hameaux ; la vue sur la vallée de l'Ubaye est, comme vous l'imaginez, sui generis. Descente assez raide dans une belle forêt de sapins et de chênes où on entend quelques appels de chevreuils ; arrêt pipi, biscuit, eau (et toute roulée pour certaine) ; traversée d'une ferme isolée aux chèvres acajou et placides ; ruines d'un village dont on voit encore quelques caves voûtées ; rencontre d'un intrigant petit dolmen.
On peut dire que, jusque là, le mini guide de randos qu'on consulte de temps à autre est plutôt bien fait.
Après deux heures de marche, on est descendu assez bas : le guide prévoit une autre piste pour la remontée et nous l'empruntons, encore pleins d'entrain.
Mais dans la vraie vie, tout n'est pas toujours aussi simple ...


Le chemin de retour paraît moins praticable qu'il n'y paraissait dans mon imagination, et certains passages pentus deviennent même carrément graveleux. Heureusement qu'on ne prévoit pas d'orage ...
Mais on s'est bien repéré : par les trouées des arbres, on aperçoit au loin le hameau traversé au départ, ça rassure, on est sur la bonne voie.
On franchit des arbres déracinés, des ravines caillouteuses, on se baisse sous les branches basses, on s'égratigne un peu.
Puis on s'égratigne beaucoup ...
Il y a quelque temps déjà qu'on ne distingue plus la trace du chemin, mais on avance toujours, en travers de la pente, en direction du hameau qu'il me semble bien voir se rapprocher petit à petit.
Ça fait déjà bien plus d'une heure qu'on est reparti du dolmen et le problème c'est que, d'ici un peu moins de pas longtemps, au train où ça va, on ne pourra plus avancer du tout : la végétation est de plus en plus dense et maquisarde, et je commence à réaliser avec anxiété qu'on pourrait bien rater l'heure du déjeuner (pour ne pas parler de l'apéro) ...
La balade commence à prendre un goût un tantinet saumâtre !


Et bien j'avais pas tort : après une dernière poussée à travers les ronces : terminus, nous voilà au bord d'un canyon infranchissable, avec en face, plus haut, le hameau qui se fout bien de notre gueule !
Quand je vous avais dit que le guide est bien fait : en l'épluchant de plus près il y a effectivement noté, en tout petit, mais alors vraiment ce qui s'appelle tout petit-petit, que le chemin emprunté est à "praticabilité aléatoire" (sic).
On a du tomber sur le mauvais jour ...
Que faire d'autre sinon revenir sur nos pas ? Au moins jusqu'à reprendre contact avec une trace de sentier, ce que nous faisons. Mais une fois retrouvé cette trace, on a beau explorer un peu partout, il n'y a pas d'autre chemin qu'on aurait pu dépasser sans le voir.
La perspective de devoir reprendre tout le trajet en sens inverse nous tue, et je propose de couper en remontant carrément la pente, puisque, plus au dessus de nous, on devrait en principe retrouver le large chemin emprunté tôt ce matin. En principe.
Mes compagnes sont d'accord, alors on y va.
Et ça grimpe, ça grimpe, c'est très raide, c'est très fatigant, c'est très caillouteux donc instable, les roches sont coupantes, les épines perçantes, les ronces déchirantes et les mouches exaspérantes, suçant avec avidité et en famille nos écorchures sanguinolentes ... Et par dessus le marché, le soleil tape de plus en plus ...
On longe approximativement le canyon dont on se rapproche à nouveau peu à peu, et on arrive vers son sommet après une dernière grimpette particulièrement raidasse.
Petite pause, mais toujours pas trace du chemin, on était beaucoup plus bas que je ne le pensais ...


On repart et c'est alors que :
«Aaaaïïïe ... Ayeayeaye ... Ouaawaah ! P... de M... ! ... J'me suis tordu la ch'ville ! ... Ôôôô ! Âââïeee! ... P... d'nom de D... ! ... B ... Ôâââh c'que ça fait mâââl ....».
C'est Zaza, qui s'est comme elle dit.
Bon, aller, on va s'arrêter un peu, le temps que ça passe.
...
Ben non, ça passe pas, la pauvre, elle a vraiment très très mâââl.
En plus elle a paumé ses lunettes solaires et correctrices qui lui ont coûté la peau duc ... On les cherche un bon moment, à droite, à gauche, devant, derrière, mais c'était pas la peine, elles étaient sous son nez, il suffisait de se baisser pour les ramasser! On les ramasse.
...
Aller, courage Zaza, faut y aller : la pente est moins raide, plus herbeuse et plus à l'ombre, ce sous bois est quasiment bucolique, ç'est du nanan maintenant, on doit plus être très loin, encore un petit effort en serrant les dents.
Elle se relève péniblement, aidée d'une branche de fortune et de sa sœur, boitant bas, mais au bout de quelques minutes on se rend bien compte qu'on va pas y arriver comme ça.
Je décide donc de partir de l'avant, le plus vite possible, abandonnant les deux chéries, et, au bout de quelques centaines de mètres, ce chemin nommé désir s'offre enfin à mes yeux ... ouf !
N'ayant pas de réponse à mes cris de joie pour les prévenir, c'est par portable (qui pour une fois s'avère utile) que je leur suggère de se poser là pendant que je vais chercher la voiture qui réussira bien à passer par ce chemin.
Ce qui fût fait une demi heure plus tard.
...
Enfin rentrés, la simple entorse s'avéra être une authentique fracture qui, heureusement, ne nécessitait pas d'opération.
Mais justifiait amplement les jurons ci-dessus censurés ...

Aujourd'hui, on lui enlève enfin son plâtre ; quelques semaines de kiné et cet épisode sera relégué au grenier des souvenirs pénibles qui, le temps passant, finiront bien par nous faire rigoler !

5 commentaires:

Anonyme a dit…

C'est ma phrase préférée quand tout va mal : "un jour on en rira".
Mais sur le moment, ça aide rarement :)
Je sais pas si Zaza passe par là, mais si c'est le cas, bon rétablissement à toi !

Anonyme a dit…

J'aime bien découvrir de nouveaux concept, tel que le chemin à praticabilité aléatoire... c'est toute la force de ce blog !!
Courage Zaza pour la kiné !!

Anonyme a dit…

5 et 3 font huit 5 et 3 font huit!! allez zaza on y arrivera à monter sur les pyramides aztèques tolmèques et incas !!mais moi j'aime la montagne quand même!

Anonyme a dit…

Je suis très fière de passer sur le blog de Roch, au moins une compensation.... on se souviendra de l'été 2007, c'est bien qu'il y est un événement, cela fixe les dates, on en a bien besoin à notre âge!!!!
Merci à Clotilde d'avoir une pensée pour moi et je dit aussi merci à Juliette qui m'a envoyé ce jour un mail. Bon we à la famille LEMERLE.

Anonyme a dit…

ce que ce récit palpitant et angoissanst ne dt pas c'est si vous avez vraiment raté l'apéro.?Combien de séance de kiné Zaza?( Noêle)