58 : animal sauvage

[essai d'introduction à la musique contemporaine pour les nuls
par le professeur Simplet
1ère partie]


La schématisation à outrance, même si ceux qui savent se moquent, peut aider à fixer des bases de compréhension.
Cette démarche vulgaire (de vulgarisation) donc non scientifique est assez pédagogique, puisqu'elle peut, si elle a su éveiller chez le lecteur un certain intérêt, le pousser à "en savoir plus".
Donc, voilà :

La musique "classique" (! étiquette !) se cuisine selon deux axes :
- l'horizontalité de la ligne mélodique ("la-lali-lalèèè-reuu")
- la verticalité des accords harmoniques ("tsoin-tsoin").
Au cours des siècles la proportion des deux a varié, horizontalité prédominante dans le "chant grégorien" ou le "baroque", verticalité dans le "romantisme", par exemple.

Cette cuisine est assaisonnée par trois épices principales :
- le timbre qui permet de distinguer la guitare ("dzing-dzing") de la harpe ("bloïng-bloïng"), ou la trompette ("pouët-pouët") du hautbois ("coin-coin"),
- le rythme, bien souvent de danse donc assez simple pour que le danseur ne risque pas de s'écrouler sur sa cavalière : menuet, allemande, gigue, valse, etc.
- le mode, (notion complexe qu'on ne détaillera pas ici), réduit aux deux que tout le monde connaît : le majeur et le mineur. Grossièrement le majeur c'est assez gai, le mineur plutôt mélancolique. Tous les autres modes (une bonne douzaine dans l'antiquité et au moyen âge) nous paraissent à la première écoute "bizarres", "exotiques", "arabes", "chinois", ou pire "faux", ou tout ce que vous voulez mais en tout cas "pas d'chez nous".

La musique de la première moitié du XX ème siècle et la musique contemporaine (disons depuis 1950) ont bouleversé ce schéma devenu très confortable pour nos oreilles.
Il est vrai que le confort c'est bien agréable et tellement rassurant !
On peut comprendre malgré tout que beaucoup de compositeurs ne pouvaient se satisfaire de reproduire inlassablement les mêmes recettes en voie de momification, qu'ils souhaitaient trouver d'autres façons de produire des sons, d'autres façons de les assembler pour obtenir d'autres effets, d'autres émotions.
Cette remarque s'applique bien sûr à toutes les époques et à tous les arts : ainsi les peintres (rappelez-vous) ne pouvaient continuer à illustrer éternellement les mêmes thèmes mythologiques, bibliques ou historiques par des tableaux d'un "réalisme" en réalité bien irréel, mais je m'égare ...
On détaillera plus tard (si vous voulez) les différents moyens qu'ont utilisés les compositeurs pour bouleverser notre confort.

Contrairement à ce que l'on croit souvent, ce changement n'a été ni brutal ni révolutionnaire. Il a suivi une évolution continue, les modifications ont été très profonde mais très progressive.
Objectivement (si on peut être objectif en musique !), il n'y a pas plus d'efforts à fournir pour apprécier les préludes de Messiaen si on aime ceux de Debussy que les préludes de Debussy si on aime ceux de Chopin, et il est encore moins difficile de passer des quatuors de Beethoven à ceux de Chostakovitch ou du requiem de Berlioz à celui de Britten. C'est une première étape : du XIX° au XX°.
(écouter-voir ici un prélude de Debussy et là un prélude de Messiaen attention, y'a du Liszt après !).

Passer ensuite des grands auteurs du XX° aux compositeurs actuels, nos contemporains, est une deuxième étape qui ne demande que curiosité et plaisir d'explorer des territoires inconnus.
(écouter-voir une étude de Ligeti).

Il ne faut pas croire que cette "révolution" est difficile parce qu'elle serait inédite dans l'histoire de la musique : nos ancêtres ont eu exactement les même difficultés à comprendre la musique de Monteverdi, de Rameau ou de Beethoven, jusqu'à ce que leur oreille se fasse.

La musique de notre siècle (et du siècle dernier) peut sembler un animal sauvage agressif sinon dangereux.
Mais n'importe qui peut l'apprivoiser et en tirer du plaisir s'il sait prendre un peu de temps pour mieux la comprendre !

[à suivre ici]


4 commentaires:

Anonyme a dit…

tagada tsouin tsouin!!bravo rocki pour ton sens pédagogique!

Anonyme a dit…

quoi? c'est déjà fini? j'étais plongée dans la lecture de ce récit passionant quand je suis tombée sur un cruel "à suivre?", dont j'espère que le point d'interrogation n'est qu'une coquille!!!

Dommage que j'ai pas le son sur mon ordinateur du bureau, en tout cas je t'imagine très bien en professeur simplet, avec sa blouse blanche, sa baguette et son reproducteur de sons (tsoin tsoin, tagada)

Anonyme a dit…

Ton autre fille aussi te lit du boulot... et remet donc à plus tard la rédaction d'un commentaire intéressant. Parce que bon, je crois que je vais avoir bien besoin de tes extraits musicaux pour suivre :)

Anonyme a dit…

Et dire qu'il va falloir attendre trois semaines (et des dizaines de notes et photos du Mexique...) pour pouvoir lire la suite, vu que Professeur Simplet s'envole en vacances...