21 : messe noire

On a l'impression de lire un rapport administratif. Rapport de police, de juge d'instruction ou de service social. C'est froid et clinique, un peu ennuyeux au début.
A aucun moment l'auteur ne laisse sourdre un quelconque sentiment, l'ombre d'une empathie, l'ébauche d'un jugement.
C'est la force de ce roman d'éviter tout pathos : les personnages ne sont pas réalistes, ils sont réels.

D'autres écrivains auraient eu matière à un vrai mélo larmoyant : misère, promiscuité, drogue, inceste, prostitution, filles-mères, morts violentes, matons, maqueraux, la vraie vie quoi ...

Et malgré qu'ils soient pour beaucoup peu recommandables, on se prend petit à petit à comprendre ces paumés, donc à compatir à leurs difficultés, puis à les apprécier, et même à les aimer comme des frères et sœurs ou des enfants qui auraient mal tournés.

Mal tourné, c'est une façon de parler quand on est (naît) dans la merde dès sa conception ...

=> Les enfants du Bronx (Random Family), Adrian Nicole LeBlanc


[The Lord Provides, Jacob Burck]


La "Messe un jour ordinaire" de Bernard Cavanna, récemment réécoutée au disque, m'a rappelé ce livre dont elle pourrait illustrer certaines parties.
Voilà un compositeur trop discret qui mériterait d'être mieux connu car je n'ai rien entendu de lui qui ne soit intéressant ("7 chants cruels" au concert il y a quelques mois était particulièrement poignant par ses textes et sa musique).
Il est l'un de ceux qui a osé introduire l'accordéon dans la musique savante, cet instrument prenant alors une toute autre dimension.

Cette messe d'une trentaine de minutes (1997) mêle le texte latin traditionnel, qui évolue rapidement vers le burlesque puis le délirant, et le monologue au raz des pâquerettes de Laurence, ex-taularde, sdf et hiv+ dans le bureau d'une quelconque organisation caritative.
Ce mélange de dérisoire et de grandiloquence, qui pourrait friser le ridicule lors d'une écoute superficielle, devient progressivement de plus en plus émouvant.
La palette instrumentale est riche et originale ce qui est constant chez Cavanna.
Cette "messe" qui nous garde en permanence dans un état de grande tension dramatique, évolue en 6 parties : un Kyrie plutôt "bouffe", un Gloria avec une superbe partie d'accordéon, une sorte de concertino pour violon, une aria pathétique, un credo explosif et un final d'un beau lyrisme et d'une grande sérénité.

5 commentaires:

Anonyme a dit…

Roch!pourquoi ne demandes tu pas à notre webmaster préférée de t'indiquer comment ajouter du"son" à tes textes? Ca serait plus parlant pour ceux qui n'ont pas tes sources à la maison!(il est à côté de moi mais on ne se parle plus que par blog interposé ça évite les scènes de ménage!!)

roch a dit…

notre webmasteresse à qui j'en ai déjà parlé ne manquera pas de me conseiller pour le plaisir de tous, non ?

Anonyme a dit…

c'est sûr que pouvoir écouter permettrait d'apprécier ou d 'être horrifiée, mais je passe déjà tellement de temps sur,les blogs familiaux 3/4 d'heure de messe à écouter; mal installée, il faut vraiment que ce soit le carême; Roch et Cath, vus qui ne parlz déjà pas beaucoup, la rue des vignerons doit ressembler à un tombeau!

Anonyme a dit…

Très bon blog ! J'adore les illustrations fines, et découvrir des compositeurs ou oeuvres méconnues, ça fait vraiment envie d'acheter la référence. En parlant d'accordéon, on peut aussi Wolfgang Rihm ou encore François Rossé qui l'utilisent, mais c'est peu courant et quand il est usité, c'est intéressant ! Concernant le titre "messe noire", ça me fait penser à une sonate pour piano de Scriabin (même dénomination): un compositeur trop peu écouté qui nous emmène dans un monde sombre et poignant !

Anonyme a dit…

Merci à Phrygien pour ce commentaire.
Votre blog semble extrèmement riche, il va me falloir du temps pour le parcourir !
Scriabine est effectivement peu écouté, de moi en particulier qui n'en connait pas grand chose : une occasion de m'y mettre : après tout je n'ai découvert Tchaïkovski que très récemment ... honte à moi !